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Les dix ans de la FRA : les droits fondamentaux gravement menacés malgré des progrès considérables

© FRA, Photographer: Hans Labler
S'il est important de marquer le dixième anniversaire de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, il n'en demeure pas moins que des menaces réelles et croissantes pèsent sur les avancées obtenues au fil des années. Tel était l'état d'esprit qui prévalait chez des orateurs de haut niveau, notamment le Président autrichien Alexander Van der Bellen et la Commissaire européenne chargée de la justice, Věra Jourová, lors des discussions qui se sont déroulées dans le cadre de la célébration de cet anniversaire le 28 février, à Vienne. Selon eux, il est nécessaire de plaider davantage en faveur d'approches basées sur les droits fondamentaux dans tout ce que nous faisons et de renforcer nos actions à cet égard.

Le Directeur de la FRA, Michael O’Flaherty, a exposé le contexte problématique dans lequel s'inscrivent les droits fondamentaux. Nombreuses sont les personnes qui sont souvent exposées, vulnérables ou menacées et qui ont besoin que leurs droits fondamentaux soient protégés. Des violations caractéristiques se poursuivent, comme en témoigne la montée des discours haineux, auxquelles il faut ajouter le rejet des droits de l'homme ainsi que la perte de bonne volonté et l'affaiblissement de l'engagement en faveur des droits chez le grand public.

Considérés ensemble, ces éléments donnent l'occasion aux responsables politiques nationalistes de « commencer à faire l'éloge d'un passé qui n'a jamais existé et de promesses d'un avenir triomphant qui n'existera jamais », ainsi que l'a affirmé la Commissaire Jourová. « Nous devons demander aux responsables politiques de s'expliquer lorsqu'ils tentent de prétendre que les discriminations, la haine et les tragédies du passé n'ont pas existé. Peut-être souffrent-ils d'amnésie chronique, nous ne devons pas commettre la même erreur » a-t-elle mis en garde.

Le Président Van der Bellen s'est aussi fait l'écho des temps difficiles auxquels nous sommes confrontés. Selon lui, la situation en matière de droits semble avoir empiré ces dix dernières années : « Il semble que l'époque que nous vivons ne soit pas propice aux droits de l'homme. Il ne se passe pas un jour sans que des violations des droits de l'homme ne fassent l'actualité dans des pays tout autour de la planète. » Il a ajouté que les droits de l'homme sont souvent considérés comme abstraits alors qu'ils sont très concrets et réels. « Ces droits sont ce à quoi toute personne dans le monde entier aspire au quotidien : vivre une vie décente, sans peur et à l'abri du besoin. »

Ceci a également été repris par Franco Frattini, Vice-président de la Commission européenne chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité au moment de la création de la FRA. « De nombreux droits fondamentaux constituent le pilier de l'identité européenne. » « Si l'Europe oublie la promotion et la protection des droits, alors l'Europe devient une entité sans cœur », a-t-il poursuivi. Cependant, il y a une chose dont, selon lui, nous avons de plus en plus désespérément besoin : des efforts redoublés et une volonté politique plus courageuse au niveau de l'Union européenne, mais aussi et surtout à l'échelon national, afin de garantir la promotion et la protection des droits.

En contrepartie, nous devons veiller à ce que les systèmes fondés sur les droits de l'homme ne soient pas rejetés. « Il n'y a aucune alternative, aucun plan B », a déclaré Michael O’Flaherty, qui a également parlé de la nécessité de promouvoir avec plus de finesse les arguments économiques en faveur des droits de l'homme, de convaincre les dirigeants et la société que la voie des droits de l'homme est la voie à suivre, car, en fin de compte, elle produira de meilleurs résultats. De nombreuses entreprises reprennent déjà cette idée à leur compte et reconnaissent la valeur que présente la diversité de leur main-d'œuvre, comme l'a également souligné Beate Winkler, ancienne Directrice du prédécesseur de la FRA, l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes.

Il est également nécessaire de renouer des liens plus forts avec la population, de sorte que chaque personne comprenne que les droits la concernent aussi, de même que sa famille et ses voisins. Les droits de l'homme nous concernent tous ; ils ne sont pas uniquement l'apanage des minorités. Il convient aussi de lutter contre les graves inégalités dans lesquelles de nombreuses violations de droits trouvent leur origine, telles que les niveaux élevés de pauvreté chez les enfants et les Roms dans de nombreux États membres. C'est ainsi qu'une attention redoublée devraient être portée aux droits socio-économiques. L'initiative de l'UE en faveur de la création d'un socle européen des droits sociaux est une étape supplémentaire accueillie favorablement par de nombreux orateurs.

Le Directeur de la FRA a également souligné l'importance des actions à l'échelon local lorsqu'il est question de droits. Les droits doivent parvenir dans les villages et les communautés locales. Les maires doivent être encouragés à faire la différence et à apporter des changements sur le terrain pour tout un chacun.

Jetant un regard vers le passé, Michael O’Flaherty a rappelé les nombreuses réalisations obtenues par l'agence depuis sa création. La FRA a fourni des informations tant nécessaires pour alimenter les législations qui contribuent à façonner nos vies. Ses travaux ont également donné voix au chapitre à ses principaux clients, autrement dit les titulaires de droits, les individus, pour leur permettre de faire part de leurs expériences.

De nombreux orateurs ont souligné les multiples réalisations dont l'Europe peut être fière. La Présidente du Conseil d'administration de la FRA, Frauke Seidensticker, a déclaré : « L'Union européenne a mis en place un formidable éventail de structures et de pratiques pour assurer la protection des droits fondamentaux. » Il s'agit notamment de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, d'un premier Vice-président de la Commission spécifiquement chargé des droits fondamentaux, d'institutions nationales de défense des droits de l'homme accréditées, d'organismes de promotion de l'égalité, de contrôles du respect des droits fondamentaux pour toutes les législations et politiques, et de la création de la FRA. L'intégration inédite des droits de l'homme a également été citée comme une réussite considérable par l'ancien Directeur de la FRA, Morten Kjaerum, désormais Directeur de l'Institut Raoul Wallenberg des droits de l'homme et du droit humanitaire.

Le rôle essentiel que l'agence a joué, et qu'elle doit continuer de jouer, a également été largement reconnu. Ulrike Lunacek, Vice-présidente du Parlement européen, a indiqué que la FRA était un « fournisseur unique d'études comparatives appelées à faire date », avant d'exposer les efforts déployés par le Parlement en vue de renforcer le mandat de l'agence. La Commissaire Jourová a quant à elle ajouté : « Les travaux de la FRA éveillent notre attention et guident notre action politique : par exemple, l'enquête de 2014 sur la violence à l'égard des femmes a ouvert les yeux de l'Europe sur l'étendue du problème. »

Envisageant l'avenir, le Directeur de la FRA a annoncé que l'agence poursuivra son travail de qualité et continuera de prodiguer les avis fondés sur des éléments de preuve qui sont devenus le signe distinctif de ses dix premières années d'existence. Il a ajouté cependant que l'agence deviendrait également plus souple. Pour ce faire, elle doit être adaptée aux réalités, agir en temps réel et avoir une incidence tangible sur le terrain. C'est pourquoi en 2017, tout en poursuivant ses travaux dans ses domaines prioritaires, elle apportera également un soutien direct à la société civile afin de trouver les moyens les mieux adaptés pour résoudre le problème du rétrécissement de l'espace accordé à celle-ci. L'agence s'efforcera aussi de contribuer au renforcement des institutions nationales de défense des droits de l'homme et des organismes de promotion de l'égalité. Elle s’appliquera à explorer les meilleures façons de consolider la communication en matière de droits et à soulever les abus qu’elle aperçoit et d'agir en conséquence. Elle demeurera avant tout l'organisme qui donne aux personnes vulnérables et menacées une voix et un visage.

D'autres orateurs ont également souligné l'importance que revêtira la FRA dans la création d'un avenir fondé sur les droits. Jan Wouters, professeur de droit international et Directeur du Centre d'études de gouvernance mondiale de Louvain, a ainsi déclaré : « La FRA devra conserver un rôle central dans les efforts consentis par l'UE dans le domaine des droits de l'homme au cours des décennies à venir. » Le Président Van der Bellen est, quant à lui, « convaincu qu'au cours des dix prochaines années, les travaux de l'agence seront encore plus indispensables ».

En conclusion, Frauke Seidensticker a été inspirée par toutes les remarques faites tout au long de la journée, qui ont démontré que « l'Union européenne possède une base solide en matière de droits de l'homme... Nous devons insister davantage sur les droits de l'homme et sur les réussites obtenues en la matière. »